44 associations de défense des libertés, professionnels, hébergeurs et FAI associatifs demandent à Emmanuel Macron de renoncer à son projet de règlement européen de censure sécuritaire, dont il est le principal promoteur.

Image Flickr – auteur zeevveez – CC-BY 2.0

La Quadrature du Net a publié hier une lettre commune réunissant plus de 44 organisations pour demander à Emmanuel Macron (président français) de ne pas mettre cette loi en application. Les gouvernements européens se réuniront le 6 décembre pour décider de leur position sur ce texte.

Le comité de SwissNeutral.net a décidé de signer cette lettre commune contre ce projet de loi qui aura des répercussions fortement négatives sur l’écosystème d’Internet et pour le fort risque que cela vienne à terme également s’imposer en Suisse.

Ce que dit ce projet de loi

Les hébergeurs (fournisseurs de services) devront être en mesure de manière contrainte à réagir à toute demande de retrait de contenu de tous les gouvernements européens dans le temps imparti suivant:

  • Réagir en moins d’une heure
  • 24 heures sur 24
  • 7 jours sur 7

Ceci pour lutter contre le terrorisme, hors l’écrasante majorité des acteurs ne peut pas réagir dans ce temps hormis les seuls ayant des moyens considérables tels que Google et Facebook. Le temps d’analyser le bien-fondé d’une requête qui n’est d’ailleurs pas adressée de la part d’un juge prend un certain temps, la plupart des fournisseurs de service n’ont pas ou de manière restreinte un service 24h24 7j/7 pouvant répondre dans ces délais et devront tout simplement cesser leur activité ou plus rarement sous-traiter ces requêtes aux quelques GAFAM restants.

Le pourtour de cette loi est extrêmement flou

La France pousse les autres pays à adopter ce texte en urgence sans débat démocratique possible avant mai 2019, invoquant même le secret-défense pour masquer son manque d’arguments.

Les grandes plateformes que sont Google (YouTube) ainsi que Facebook se proposant comme les chevaliers capables de gérer la haine en ligne, les mêmes qui ne sont pas capables de combattre le cyber-harcèlement « avaient convaincu le gouvernement que la radicalisation terroriste était facilitée par les petites et moyennes plateformes… ». C’est en fait une étape supplémentaire pour tuer le reste de concurrence qui est encore vivant.

L’autre point intéressant c’est que ce ne sont pas que les contenus mis « à disposition du public » qui sont visés mais les contenus « mis à disposition de tiers », ce qui englobe toutes nos conversations privées, e-mail, messagerie instantanée, etc.

Nous vous invitons à lire les deux analyses claires et compréhensibles de la Quadrature du Net :

Il n’y a pas de preuve d’efficacité d’une telle loi

Il n’y a actuellement pas de preuve qu’une telle loi serait efficace, et son étendue liberticide est d’une portée hors-normes. Évidemment nous comprenons les dangers du terrorisme avec ce qui s’est déroulé en France ces dernières années, ainsi que le problème de radicalisation, mais cette loi aura des effets de bord gravissimes sur la société.

Rien ne démontre que cette loi diminuera le terrorisme, en particulier parce que les terroristes utiliseront d’autres réseaux hébergés dans des pays hors de l’Europe qui ne seront pas soumis à cette loi. Et qu’il n’y a pas d’étude concrète et scientifique sur la radicalisation en ligne.

Les effets de bords sont nombreux

Pouvoir réagir dans un temps si court, hors des heures de bureau, 7j/7 demande des personnes dédiées, chez les hébergeurs, dans les entreprises, dans les associations. Cela concerne toutes les personnes physiques et morales hébergeant un service.

Dès lors cette loi engendrerai les effets suivants :

  • Diminution quasiment totale des hébergeurs au profit de quelques gros comme Google et Facebook qui sont déjà en situation de monopole
  • Diminution drastique des emplois dans le secteur numérique si les hébergeurs venaient à mettre la clé sous la porte
  • Une mise en place d’une surveillance généralisée, d’une censure privée et automatisée de l’information
  • Une centralisation démesurée de nos données chez quelques gros acteurs mondiaux
  • L’auto-hébergement de service (avoir son site web, ses mails sur sa propre connexion Internet) chez soi deviendrait de facto impossible, menaçant de manière forcée tous les utilisateurs à confier leurs données à des tiers (dans le cloud) car ne pouvant réagir dans l’heure
  • Les projets d’hébergeurs indépendants et à taille humaine tel que le projet CHATONS est en train de mener s’arrêtera tout bonnement, laissant le tapis rouge aux géants d’Internet que sont Google, Facebook qui sont déjà plus fortunés, plus puissant que plusieurs pays et continueront d’amasser des données sur nous